Agir à Villejuif : La question des comprimés d’iode

Pourquoi prendre des comprimés d’iode ?

Notre thyroïde a besoin d’iode pour fabriquer les hormones (en particulier la thyroxine) qu’elle envoie dans notre organisme pour réguler de nombreux systèmes hormonaux. Cet iode provient des produits de la mer : poissons, crustacés, algues, coquillages, sel marin. Une fois utilisé, il est rejeté par notre organisme dans l’environnement. Il lui faut donc en absorber régulièrement.

En cas d’accident dans une centrale nucléaire, comme cela s’est produit à Tchernobyl et à Fukushima, de l’iode radioactif, gazeux, est rejeté dans l’atmosphère. Il s’agit de l’iode 131. Ce nombre renseigne les physiciens sur le déséquilibre existant dans le noyau de ces atomes d’iode entre les protons et les neutrons, ce qui les rend instables, donc radioactifs. Ils vont se désintégrer, à un rythme qui leur est propre. Très concrètement, l’iode 131 perd la moitié de sa radioactivité tous les 8 jours. Elle est donc réduite au quart de ce qu’elle était au départ en 16 jours, au huitième en 24 jours, et ainsi de suite.

Si de l’iode radioactif se fixe dans la thyroïde, sa désintégration va provoquer des catastrophes dans ses cellules, ce qui peut induire des cancers quelques années après (de 5 à 30 ans).

L’idée est donc d’absorber de l’iode stable (l’iode 127) avant d’être atteint pas l’arrivée de l’iode radioactif (au mieux : 2 heures avant), de façon à éviter cette fixation en saturant au préalable la thyroïde avec de l’iode stable. Dans les comprimés, il ne s’agit pas d’iode pur, qui est gazeux, mais d’un composé, l’iodure de potassium.

Attention : cela protège de l’iode radioactif, mais est sans aucune action sur les autres produits radioactifs susceptibles d’être rejetés par une telle catastrophe (césium, plutonium, strontium,…).

Pré-distribution de comprimés.

En 1996, Hervé GAYMARD, secrétaire d’État à la Santé, prend la décision de pré-distribuer de tels comprimés dans les zones proches des centrales nucléaires. Il s’agissait dans un premier temps de zones d’un rayon de 10 km autour des centrales, rayon qui a été porté à 20 km en 2016.

L’action de la CRIIRAD n’est sans doute pas étrangère à cette évolution !

Remarquons tout de suite le caractère dérisoire de cette mesure, puisque la catastrophe de Tchernobyl, centrale qui se trouve à plus de 20 km de la France, a eu des effets dans notre pays, où le développement des cancers de la thyroïde ces dernières années ne peut être étranger à l’arrivée du nuage qui, comme on le sait, ne s’est pas arrêté à notre frontière !

À titre de comparaison, ce périmètre est de 50 km en Suisse. En Belgique il est possible d’en récupérer gratuitement dans un périmètre de 100 km autour des installations. Au Luxembourg, une boite de comprimés est remise à toutes les mères après leur séjour en maternité. En Norvège, l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection recommande à toute la population d’avoir de l’iode à la maison pour protéger la thyroïde en cas d’accident nucléaire alors qu’il n’y a pas de centrale nucléaire dans le pays…

Vente de comprimés en dehors de ces zones.

Hervé GAYMARD prend en même temps la décision de les mettre à disposition de tous les habitants dans toutes les pharmacies. Ces décisions d’Hervé GAYMARD ont été confirmées par une lettre circulaire du premier ministre, Alain JUPPE, aux préfets, en date du 10 avril 1997.

En cas de catastrophe nucléaire, comment les choses se passeraient-elles ? Le processus est maintenant fixé par la circulaire du 11 juillet 2011. Le produit, fabriqué par la Pharmacie Centrale des Armées, est stocké dans un site par département (site couvert par le secret-défense), choisi pour faciliter une distribution rapide. Les autorités, nationales ou préfectorales, mettent en alerte les grossistes-répartiteurs. Certaines communes dans chaque département sont chargées de la distribution. Les maires de ces communes sont chargés d’organiser les points de distribution à la population, dans des lieux connus et faciles d’accès. La convention avec les grossistes-répartiteurs permettrait l’acheminement dans un délai de 12 heures maximum.

L’annexe 2 à la circulaire donne le texte du document qui serait remis aux habitants. Il s’agit d’une information sur la thyroïde, l’iode et le fonctionnement des comprimés d’iodure de potassium. Elle indique que : « Le comprimé d’iodure de potassium doit être pris uniquement et immédiatement à la demande des autorités locales, en France le Préfet. Son efficacité est maximale s’il est ingéré une heure avant le rejet d’iode radioactif et au plus tard vingt-quatre heures après exposition. » Il est permis de s’interroger sur le délai indiqué ici. En effet, la notice accompagnant les comprimés, notice signée de la Pharmacie Centrale des Armées, indique explicitement : « Le traitement doit être pris dès l’alerte donnée, l’efficacité étant très diminuée si l’administration est débutée à partir d’1 heure après la radio-contamination. » De fait, le temps de métabolisation du produit, c’est-à-dire le temps que l’iode soit fixé par la thyroïde, est d’environ 2 heures. Le délai indiqué dans la circulaire n’est-il pas là pour justifier le temps que prendrait le processus mis en place, plutôt que d’opter pour une distribution préventive à toute la population, ou au moins la possibilité explicite d’en acquérir chez son pharmacien ?

Sans compter que dans le cas d’une catastrophe nucléaire proche, les routes risquent d’être saturées par la fraction de la population qui sauterait dans son véhicule pour s’éloigner au plus vite de la zone dangereuse, et gênerait ainsi considérablement la distribution du produit. D’ailleurs, même en imaginant des routes dégagées, les autorités disposeraient-elles de suffisamment de véhicules pour distribuer dans les temps impartis le produit dans toutes les communes à partir d’un site unique dans le département ?

D’après un pharmacien contacté par nous, ce processus prendrait plutôt environ 48 h, alors que le nuage venant par exemple de Nogent-sur-Seine mettrait de l’ordre de 2 heures à nous parvenir si les vents soufflent avec force dans notre direction. C’est dire l’intérêt d’avoir ces comprimés par devers soi pour anticiper la survenue d’un éventuel nuage.

Cela étant, le dispositif mis en place par cette circulaire ne remet pas en cause la vente en pharmacie de ce produit, qui bénéficie d’une Autorisation de Mise sur le Marché.

Notre travail d’enquête.

Nous avons enquêté dans les 15 pharmacies à Villejuif. Nous avons acheté, ou obtenu l’assurance que nous pouvons acheter, ces comprimés dans 11 d’entre elles. La chose est impossible dans les 4 autres dans la mesure où elles ne travaillent qu’avec un seul grossiste-répartiteur, l’un des deux qui ne proposent pas ce produit (Alliance ou D2P Pharma). Aucun(e) pharmacien(ne) ne connaissait cette possibilité avant notre visite !

Même si un organisme d’État comme l’IRSN (l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) écrit le contraire sur son site, nous pouvons donc nous procurer ces comprimés. Et sans ordonnance, bien sûr, puisqu’il ne s’agit pas d’un médicament (il ne soigne de rien), même si le fabricant utilise ce terme.

Il s’agit de boîtes de 10 comprimés contenant chacun 65 mg d’iodure de potassium, soit 50 mg d’iode. Une boîte coûte de 4 à 6€ selon les officines. Sa durée de validité est de 4 ans, mais la CRIIRAD indique que, si la boîte est conservée dans un endroit sec et frais (pas plus de 25°), elle peut être utilisée au-delà de la date de péremption portée sur l’emballage.

A noter que l’on trouve des comprimés d’iodure de potassium sur internet, mais nous déconseillons ces produits dont les procédés de fabrication, les excipients, sont sujets à caution.

Posologie.

Il faut 130 mg pour saturer la thyroïde d’un adulte, donc 2 comprimés. 1 comprimé suffit pour un enfant de 36 mois à 12 ans, un demi de 1 à 36 mois, un quart en dessous d’un mois.

La seule contre-indication concerne les personnes allergiques à certains composés d’iode, qui ne peuvent manger de produits de la mer. Cependant, certaines sources indiquent un risque d’effets secondaires pour les personnes de plus de 40, ou de 60 ans.

En conclusion.

Nous ne pouvons que vous inciter à diffuser cette information, à vous procurer pour vous-même et vos proches ces comprimés, à vous organiser pour enquêter toutes les pharmacies de votre commune, et à nous contacter en cas de difficulté.

ASSOCIATION AGIR A VILLEJUIF

mail : agir-a-villejuif@laposte.net
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poste : 45 sentier Darwin 94800 VILLEJUIF