You are currently viewing Agir à Villejuif : Du tritium dans notre eau potable

Agir à Villejuif : Du tritium dans notre eau potable

DU TRITIUM DANS NOTRE EAU POTABLE

Ce texte s’inspire largement du travail réalisé par la CRIIRAD sur ce dossier.

En 2019, il a été question dans les médias de la pollution de l’eau potable au tritium, notamment à la suite de la publication d’une étude d’une association, l’ACRO, basée sur les données du site du Ministère de la Santé.

Nous allons tenter d’expliquer de quoi il est question et en quoi nous sommes concerné(e)s.

1. Qu’est-ce que le tritium ?

L’hydrogène (symbole : H) peut se trouver sous trois formes différentes. La forme de loin la plus répandue est l’hydrogène 1 (symbole : 1H). Son noyau comporte une seule particule, un proton. Quelques atomes présentent la forme de l’hydrogène 2, également nommé deutérium (symbole : 2H). Les atomes correspondants contiennent un neutron en plus du proton. Ces deux premières formes sont d’une remarquable stabilité. Mais la troisième forme présente une différence notable avec elles : son noyau comporte deux neutrons en plus du proton (symbole : 3H), ce qui le rend instable, donc radioactif.

Sa demi-vie, ou période, est d’environ 12 ans. C’est-à-dire que le nombre d’atomes présent à un moment donné est divisé par deux tous les 12 ans, donc par 4 au bout de 24 ans, par 8 au bout de 36 ans, etc. Si le nombre était faible au départ, le nombre restant devient vite négligeable. Mais si le nombre de départ était élevé, la radioactivité qui subsiste peut être encore importante.

hydrogènec

2. Pourquoi dans l’eau ?

Ces trois formes de l’hydrogène ont les mêmes propriétés chimiques, puisqu’elles ont chacune 1 proton dans le noyau de leurs atomes, et donc 1 électron qui tourne autour.

L’eau est un corps composé de deux éléments : l’hydrogène et l’oxygène. Sa molécule contient très exactement 2 atomes d’hydrogène et un d’oxygène. D’où sa formule : H2O.

Supposons qu’un atome de tritium soit incorporé dans une molécule d’eau à la place d’un atome d’hydrogène ordinaire. On a alors de l’eau radioactive ! On parle d’eau tritiée.

3. Comment est-il produit ?

Naturellement, le tritium est produit dans la stratosphère, par l’action des rayonnements cosmiques sur les atomes d’azote (rappelons que l’azote forme 80% de notre atmosphère).
Les explosions nucléaires en ont disséminé dans l’atmosphère, et donc dans l’eau. Mais les réacteurs des centrales nucléaires produisent également du tritium. Que devient-il ? Il est stocké pendant un certain temps sur le site des centrales, puis est relâché dès que sa radioactivité descend sous un certain seuil. C’est ainsi que l’on retrouve du tritium, sous forme d’eau tritiée, dans la nature. D’abord dans les fleuves au bord desquels se trouvent les centrales pour leur refroidissement, et leurs rejets. Par exemple, pour ce qui nous concerne dans le Val-de-Marne, qui sommes alimentés pour l’essentiel par l’eau de la Seine traitée à Choisy-le-Roi, nous bénéficions des rejets dans ce fleuve opérés par la centrale de Nogent-sur-Seine, en amont de la capitale.

4. Quelle unité de mesure utilise-t-on ?

Pour rendre hommage à Henri Becquerel, le physicien français qui a découvert la radioactivité, on a décidé d’appeler becquerel le rythme d’une désintégration par seconde. Le symbole du becquerel est Bq.

Il est évident qu’un Bq dans une grande masse de matière ne révèle pas la même radioactivité que si ce rythme d’une désintégration par seconde est observée dans un petit échantillon. On se ramène donc pour effectuer des comparaisons à une même masse, ou, concernant les liquides comme l’eau, à un même volume. Le plus simple étant de considérer une unité de volume, par exemple un litre (L).

Les mesures de radioactivité dans l’eau sont donc données en Bq/L, soit le nombre de désintégrations par seconde dans un litre d’eau.

5- Quel est l’état de la réglementation ?

Pour l’eau potable, la France prend comme référence les valeurs fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Celle-ci avance deux seuils :
• une limite sanitaire dont le dépassement impose des actions correctrices. Elle est fixée à 10 000 Bq/L.
• Une référence de qualité, dont le dépassement doit amener de nouvelles analyses, et une réflexion sur l’opportunité d’actions. Elle est fixée à 100 Bq/L.

Depuis plus de 20 ans, la CRIIRAD s’adresse aux responsables concernés pour que soit abandonnée cette référence, et que soit fixée une limite sanitaire réellement protectrice à 10 ou 20 Bq/L. Sans succès pour le moment.

Toujours est-il que, depuis 2005, est devenue obligatoire la mesure de paramètres radiologiques dans l’eau potable, dont la radioactivité due au tritium. De plus, les résultats de ces mesures doivent être portés à la connaissance du public.

6. Quelles informations pouvons-nous obtenir, et où ?

En théorie, il suffit d’aller sur le site du Ministère de la Santé (https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau), de descendre un peu dans la page, de cliquer sur Ile-de-France, puis de choisir dans les menus déroulants le Val-de-Marne, puis la commune qui nous intéresse. Mais là, les difficultés commencent ! Impossible de n’avoir que les résultats concernant le tritium. La feuille de résultats affichée est la dernière effectuée. Mais si l’on demande le bulletin précédent, il concerne une autre commune. Il faut des heures pour collationner les données concernant le tritium recueillies depuis quelques années… Ce doit être la conception de la transparence de nos responsables ministériels… La CRIIRAD s’est adressée au ministère pour demander la rectification de cette anomalie, et d’autres, mais sans réponse pour le moment.

Heureusement, des militants de la CRIIRAD ont fait le travail pour nous ! En voici le résultat, de 2016 à 2019, pour la commune de Villejuif, et ce presque dans l’ordre chronologique (inversé) :
VILLEJUIF

Code INSEE: 94076

Tritium détecté sur la période janvier 2016 à août 2019

Population: 57 596 (recensement 2013)

Nom du réseau de distribution: G.CHOISY MAJORITAIRE

2019-08-06: 22 Bq/L
2019-07-25: <9 Bq/L
2019-07-01: 18 Bq/L
2019-06-19: <10 Bq/L
2019-06-07: <10 Bq/L
2019-05-06: 14 Bq/L
2019-04-17: <9 Bq/L
2019-04-03: 19 Bq/L
2019-03-20: 11 Bq/L
2019-03-04: <9 Bq/L
2019-02-04: 13 Bq/L
2019-01-04: <9 Bq/L
2019-01-21: 14 Bq/L

2018-12-19: <8 Bq/L
2018-12-05: 18 Bq/L
2018-11-26: <9 Bq/L
2018-11-08: <9 Bq/L
2018-10-03: 22 Bq/L
2018-09-24: <10 Bq/L
2018-09-05: 28 Bq/L
2018-08-20: <9 Bq/L
2018-01-05: <8 Bq/L
2018-02-05: <8 Bq/L
2018-02-23: <8 Bq/L
2018-03-05: <10 Bq/L
2018-03-19: <8 Bq/L
2018-04-06: <9 Bq/L
2018-08-06: 16 Bq/L
2018-07-04: <9 Bq/L
2018-06-18: 20 Bq/L
2018-06-01: <9 Bq/L
2018-05-28: <9 Bq/L
2018-05-04: <9 Bq/L

2017-07-17: 12 Bq/L
2017-08-01: 19 Bq/L
2017-08-31: 26 Bq/L
2017-09-28: 30 Bq/L
2017-10-02: 19 Bq/L
2017-10-27: 23 Bq/L
2017-07-19: 22 Bq/L
2017-12-04: 21 Bq/L
2017-11-27: 24 Bq/L
2017-11-10: 22 Bq/L
2017-06-12: 17 Bq/L
2017-05-29: 15 Bq/L
2017-05-05: <8 Bq/L
2017-04-05: <8 Bq/L
2017-02-13: <8 Bq/L
2017-01-11: <8 Bq/L
2017-03-01: 15 Bq/L
2017-02-06: 9 Bq/L
2017-01-20: 11 Bq/L
2017-04-07: <8 Bq/L

2016-12-21: <10 Bq/L
2016-12-14: 15 Bq/L
2016-04-27: 23 Bq/L
2016-12-07: <10 Bq/L
2016-10-31: 22 Bq/L
2016-09-29: 12 Bq/L
2016-09-20: <10 Bq/L
2016-11-29: 13 Bq/L
2016-08-12: 14 Bq/L
2016-07-11: 16 Bq/L
2016-07-21: <10 Bq/L
2016-06-27: <10 Bq/L
2016-06-13: <10 Bq/L
2016-05-18: <10 Bq/L
2016-04-15: <10 Bq/L
2016-03-30: <10 Bq/L
2016-03-21: <10 Bq/L
2016-03-11: <10 Bq/L
2016-02-29: <10 Bq/L
2016-01-13: <10 Bq/L
Que constatons-nous ? Aux dates où du tritium a été détecté (lignes en gras), les mesures peuvent aller jusqu’à 30 Bq/L (mesure du 28 septembre 2017). C’est nettement au-dessus de la limite de 10 ou 20 Bq/L préconisée par la CRIIRAD. C’est aussi nettement supérieur à la radioactivité due au tritium naturel et à celui issu des essais nucléaires, de moins de 2 Bq/L dans les eaux de surface. La différence est donc uniquement due aux rejets des centrales nucléaires !
Les autres mesures (lignes en maigre) indiquent que nous sommes en deçà des limites de détection. Ce qui pose un problème. Alors que le laboratoire de la CRIIRAD est doté d’appareils dont la limite de détection est inférieure à 2 Bq/L, ceux qui travaillent pour fournir les données diffusées par l’État ont des limites de détection de 8, 9, voire 10 Bq/L. Certes, cela est autorisé par la réglementation. Mais cette information ne dit rien sur la contamination réelle au-delà des 2 Bq/L : les valeurs réelles sont-elles de 3 ? 5 ? ou 9 Bq/L ? On n’en saura rien !
La différence entre 2, 9 ou 30 Bq/L n’est pas anodine sur le plan de la santé publique !
7. Quels risques pour les organismes vivants (dont nous) ?
Il existe trois types de radioactivité, nommées par les lettres grecques alpha, bêta et gamma. Selon l’élément radioactif considéré, la désintégration donne lieu à l’une de ces émissions, ou à deux ou même aux trois. Celle du tritium donne lieu à une émission bêta, soit un électron, mais celui-ci est faiblement énergétique. Il est arrêté par une faible épaisseur d’eau (6 µm tout au plus ; rappelons que le µm est le millionième de mètre, le millième de millimètre). Ce qui veut dire qu’il ne risque pas de causer le moindre dommage à l’organisme si l’atome de tritium se trouve à l’extérieur.
Mais il n’en va pas de même en cas d’inhalation (vapeur d’eau dans l’air) ou d’ingestion (eau potable). Et c’est ce dernier phénomène qui nous intéresse ici. Les tenants de l’effet de seuil, selon lequel il n’y a pas le moindre danger en deçà d’un certain seuil, sont rassurants. Qu’il s’agisse du Ministère de la Santé ou de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (l’ASN), à les écouter, on peut être rassuré. On est tellement en dessous de ce seuil ! Mais les biologistes nous disent que la moindre perturbation de l’ADN de nos cellules peut être à l’origine d’un cancer ou d’une malformation génétique. Le risque est proportionnel à la dose : forte dose, risque fort ; faible dose, risque faible, mais cela ne veut pas dire pas de risque du tout !
8. Comment mesurer cette contamination ?
Du fait de la faiblesse énergétique des électrons émis par le tritium dans sa désintégration, il est indétectable sans un scintillateur (très exactement un analyseur à scintillation liquide).
C’est dire que notre compteur Geiger est inopérant sur ce terrain. Nous ne sommes donc pas en mesure de confirmer, d’infirmer, de compléter ou de contredire les mesures émanant de l’État
Mais nous pouvons agir !
9. Quelles actions ?
Nous vous en proposons deux :
• d’abord, signer la pétition initiée par la CRIIRAD sur ce sujet en direction du Ministère de la Santé :
https://www.mesopinions.com/petition/sante/polluant-radioactifs-eau-potable/70569?fbclid=IwAR3MZoYwaj_6HSRZXCBCMKqzVwAymNH1soYEzHJ1j1e0tjFFzliFssMW94E
• Ensuite, intervenir auprès du SEDIF (https://www.sedif.com/index.aspx), qui est responsable du service de l’eau potable, pour qu’il mentionne les résultats des mesures de radioactivité du tritium. En effet, actuellement, les résultats d’analyse qui nous sont présentés avec les factures ne portent que sur les paramètres chimiques et bactériologiques, jamais radiologiques. Il suffit d’aller en bas de la page d’accueil, de cliquer sur « nous contacter », de s’identifier, avec son n° d’abonné, puis de laisser un message du genre : je souhaite que les résultats d’analyse de l’eau, que vous joignez aux factures dans la lettre Clario et que vous placez sur votre site, comportent ceux des mesures de radioactivité, notamment de celle du tritium.
Merci d’indiquer à Val-de-Marne Environnement si vous avez mené ces actions.